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Je te salue, Marie !

Je te salue, Marie !

Je l’ai aperçue dans la vitrine d’un magasin de piété d’une petite rue de Porto. Trônant comme il se doit au milieu d’une ribambelle de saints sagement rangés, disposés côte à côte, quasi clonés. Sainte-Vierge-Marie, une bonne taille au-dessus des autres, béatement souriante, encellophanée, sous emballage thermocollé, sous blister, comme on dit.
Marie protégée, préservée, mise à l’abri, imperméable, conditionnée, toute pure, intacte sur l’étalage du monde. Marie sous cellophane. Vierge mère ensachée, femme sans tache, protégée de la poussière et des rayons de l’histoire, enciélée dans cette vitrine surréaliste, pelliculée, toujours vierge et toute immaculée, un tant soit peu amidonnée, drapée par le soleil, avec sa mise-en-plis d’étoiles, empaquetée par l’Esprit-Saint, ante partum, in partum et post partum, amen…
Mais qu’est-ce qu’on en a fait ?!

C’est drôle : Marie, je l’imagine tout autrement !
Comme une femme qui rit, qui court, qui aime, qui pleure, qui va, qui vient, qui espère et désespère, qui croit puis ne comprend plus rien, qui travaille, se repose et reprend le travail puis se repose encore. Une femme vêtue d’un tablier plus que d’une robe de gala ; une femme avec des mains calleuses de femme de village bien plus qu’avec des doigts soignés qui égrènent un chapelet.
C’est rendre gloire à Dieu et faire justice à l’humanité pour laquelle Dieu se passionne que de penser cela.
Enfin, je crois…

J’espère qu’elle a eu une enfance comme en ont eu les filles de son village, pas trop serrée par Anne et Joachim. J’espère qu’elle a perdu son temps avec les filles de son âge à la margelle du puits, à se raconter des histoires jusqu’à n’en plus finir.
J’espère qu’adolescente, son cœur s’est mis à battre un peu plus fort pour les garçons de son village : c’est tellement beau, un cœur qui bat.
J’espère qu’un jour elle a compris au fond du fond de son cœur que Joseph pourrait devenir l’homme de sa vie et qu’elle a – en secret – rêvé de lui…
J’espère qu’elle a pleuré de toutes les larmes de son corps, le jour où elle l’a vu douter.
J’espère qu’elle a tremblé à l’idée de le perdre après la grande annonce. Ce n’est pas tout de dire oui : il faut bien assumer !
J’espère qu’elle a un jour connu la tendresse, les baisers et les caresses de ce garçon devenu homme.
J’espère que, jeune mère, elle s’est levée la nuit – souvent – pour vérifier le souffle de son tout nouveau-né et s’étonner de l’avoir mis au monde.
J’espère qu’un jour, elle a tremblé pour ce bambin devenu adolescent, et qu’elle a craint – comme toutes les mères – de le voir prendre des chemins qu’elle n’avait pas prévu.
J’espère qu’avec Joseph, le soir, souvent, elle s’est demandée ce qu’ils avaient bien pu faire pour qu’il quitte la maison et s’en aille, comme ça, sur les chemins de Galilée.
J’espère…
Comment dire ? Je le crois.

Marie débordée, débordante. Vivante et animée. Charnelle et généreuse. Déchirée, recousue. Et déchirée encore. Marie d’un village perdu sur un lambeau de terre. Marie des grands espaces. Marie qui sourit doucement de ce qui lui arrive et qui rit aux éclats des histoires cocasses que son gamin raconte. Marie lumineuse. Marie qui chante. Marie à l’aise dans les bras de Joseph autant que dans les bras de Dieu. Marie portant l’enfant et se laissant porter par lui. Marie tremblante à certaines heures. Marie en colère aux heures nécessaires. Marie toute silencieuse, mais aimant dire ce qu’elle pense. Marie autant confiante en elle (et en tous les possibles de la vie) qu’en l’Esprit qui la couvrit – comme on dit – de son ombre. Marie stressée à certaines heures. Marie joyeuse. Marie marchant. Marie posée. Marie assise. Marie debout. Marie en route. Marie ouverte à l’imprévu de la vie et l’acceptant comme une bénédiction de Dieu.
Finalement, une femme.

Marie toujours vierge, dit-on.
Vierge de tout désir de mettre la main sur les autres et sur Dieu.
Marie vierge de tout désir de domination.
Vierge de toute jalousie, de toute intrigue, de tout esprit de division.
Marie vierge de toute convoitise. Vierge de toute parole vaine, de toute calomnie.
Vierge de tout désir de puissance, de pouvoir, vierge de toute envie de faire la vie des autres.
Femme au cœur pauvre et aux mains grandes ouvertes.
Je te salue, Marie, comblée de grâce.
Ne reste pas dans la vitrine. Viens marcher avec nous !

Raphaël Buyse
15 août 2015

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